La coloscopie pour qui ?

La coloscopie est un examen peu confortable mais il est le plus fiable permettant de diagnostiquer le cancer du côlon. Encore faut-il pour cela que la préparation qui la précède soit réussie. Qu’est-ce qu’une bonne préparation ? Pourquoi adopter un régime sans résidu ? Doit-on s’attendre à des effets secondaires ? Le point complet sur une des techniques médicales les plus utilisées.

La coloscopie est l’exploration du côlon, segment terminal de l’intestin, par l’intermédiaire d’une sonde que l’on appelle, un coloscope. De l’épaisseur d’un index, elle est insérée dans l’anus, puis glissée peu à peu dans l’intestin et dirigée à l’aide de manettes. Le but est d’arriver au tout début du côlon et de visualiser les parois coliques lors du retrait progressif de l’appareil. Il peut s’agir d’un examen préventif (recherche d’excroissances anormales ou de causes de symptômes chroniques anormaux) ou thérapeutique (ablation des polypes pouvant être à l’origine de cancers du côlon).

Le cancer du côlon en ligne de mire

Chaque année, on compte environ par exemple 1 million de coloscopies par an en France et presque autant au Canada. Même si les raisons d’y recourir sont nombreuses, il reste intimement lié au cancer du côlon: environ 40000 nouveaux cas sont dépistés tous les ans grâce à lui. Ce type de cancer ne manifeste pas forcément de signes, c’est pourquoi la coloscopie est un examen de détection recommandé pour les personnes âgées de plus de 50 ans. En effet, lorsqu’il est détecté à des stades avancés, le taux de survie sur une période de cinq ans n’est que de 11 % contre 90 % s’il est traité de façon précoce. Il s’agit de la troisième forme de cancer la plus répandue tant chez l’homme que chez la femme, et constitue la deuxième cause de mortalité par cancer en Amérique du Nord.

Qu’est-ce que le côlon ?

Le côlon est un segment de l’intestin dont le rôle principal est de stocker les déchets issus de la digestion. Il est situé juste après l’intestin grêle où a lieu l’absorption des nutriments. Les substances qui y transitent deviendront les matières fécales après l’absorption de l’eau restante et le mélange avec les bactéries de la fore intestinale. Cette flore protège l’homme de l’agression de micro-organismes pathogènes et permettent de dégrader le reste des aliments que l’organisme ne peut digérer (comme la cellulose par exemple). C’est au niveau du côlon que la durée du transit est la plus importante: elle serait comprise entre 34 et 54 heures, en fonction de l’âge des individus, de leur état de santé et du type d’aliments consommés.

Pourquoi faire une coloscopie ?

Les principales indications de la coloscopie sont:

1. La recherche de causes à un certain nombre de symptômes

  • présence durable de sang dans les selles;
  • apparition d’une anémie inexpliquée;
  • présence de douleurs abdominales récurrentes;
  • modification chronique du transit intestinal (constipation ou diarrhée persistante).

 

2. Le dépistage du cancer du côlon, notamment chez les populations à risques

  • les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer du côlon;
  • les personnes âgées de plus de 50 ans;
  • les personnes ayant des antécédents de polypes (= excroissances potentiellement cancéreuses) bénins.

 

3. La vérification de l’atteinte d’une colite ulcéreuse ou de la maladie de Crohn (en repérant notamment des inflammations caractéristiques dans certaines régions).

  • le suivi après d’autres examens ou traitements
  • la vérification du côlon après une chirurgie du cancer du côlon;
  • la recherche d’autres polypes si on en avait détecté par un autre examen;
  • la recherche des régions anormales de la paroi du côlon identifiées lors d’un examen radiologique (lavement baryté).

 

L’importance d’une bonne préparation

Pour qu’elle soit réussie, la coloscopie nécessite une préparation spécifique. Celle-ci va permettre de vider le côlon de ses matières fécales, afin que l’équipe médicale puisse inspecter l’intégralité des parois. Pour cela, la personne qui s’apprête à passer la coloscopie, doit suivre une préparation colique (qui entraîne une diarrhée) et un régime «sans résidu», c’est-à-dire principalement sans fibre alimentaire. Elle doit également veiller à respecter à la lettre les consignes du médecin qu’elle a préalablement rencontré.

Le mieux : une préparation individualisée

Il existe plusieurs types de préparations, détaillées dans ce dossier, mais aucune ne permet réellement 100 % d’efficacité chez 100 % des personnes. C’est pour cette raison que la consultation préalable est importante: le médecin doit juger quelle préparation a le plus de chances d’aboutir en fonction du caractère de chacun. Prescrire une préparation individualisée est l’une des clés d’une coloscopie réussie et efficace. Un certain nombre de médecins préfèrent proposer à leurs patients une seule méthode de préparation colique. Cela entraîne moins de discussions nécessaires avec le patient et une économie de temps pour le praticien. Malheureusement, cela traduit une incapacité à tenir compte des différences entre les patients et de leur tolérance respective.

Qu’est-ce qu’une mauvaise préparation ?

Une mauvaise préparation, c’est-à-dire le non-respect ou la non-adéquation des mesures prescrites, entraîne la présence de résidus dans le côlon. Cela entrave la vision parfaite des parois du côlon et augmente la probabilité pour l’équipe médicale d’échapper à certaines lésions (notamment celles inférieures à 1 cm). Plusieurs études ont fixé à environ 22% le taux de mauvaises entraînant de factola reprogrammation de l’examen ou l’échec du dépistage. Une autre a montré l’augmentation significative du taux de détection des polypes en cas de préparation excellente par rapport à une mauvaise 2

Cette préparation repose sur deux piliers principaux: la préparation colique et la régime sans résidu.

Le régime sans résidu : les fibres alimentaires interdites

La plupart des produits végétaux (farines, fruits ou légumes) que l’on consomme contiennent des composés essentiels à l’organisme, comme l’amidon ou le fructose. Néanmoins, ces végétaux sont soutenus par une armature particulière: les fibres alimentaires. Celles-ci sont composées de molécules qui résistent à la digestion humaine. Aucune des enzymes produites dans le tube digestif ne sont capables de les dégrader. Il en résulte que les composés qui les constituent (cellulose, lignine, hémicellulose) traversent l’estomac et l’intestin grêle et arrivent presque intacts dans le côlon. On les appelle alors des résidus parce qu’ils contrastent singulièrement avec la substance liquide issue de la digestion (et dont la texture est proche de celle de la colle).

Dans le côlon, ces résidus vont faire face à des bactéries (la flore intestinale), capables de les dégrader en partie. Cette digestion partielle va provoquer la libération de nouvelles quantités de sucres, transformées à leur tour en acides organiques et en molécules cellulaires. Ces opérations chimiques vont empêcher l’équipe médicale de visualiser correctement les parois du côlon. Voilà pourquoi, il est demandé de suivre un régime dit «sans résidu» où les fibres alimentaires sont bannies.

Quel rôle pour les fibres alimentaires ?

Résistant à la digestion dans l’intestin, les fibres alimentaires n’ont pas de réelle valeur nutritionnelle. Néanmoins, leur rôle est important dans le transit intestinal car elles augmentent le volume du bol alimentaire et modifient la consistance des selles (en les rendant plus molles). Ce faisant, elles stimulent les contractions de l’intestin et retardent la sensation de faim (aidant à lutter contre l’obésité).

Les aliments « interdits »

La mise en place d’un régime sans fibres est utile pour arrêter la production de «déchets» qui pourraient gêner la coloscopie. Celui-ci est généralement mis en place 48 heures avant la date de l’examen, bien qu’aucune étude ne prouve son efficacité au-delà de 24 heures.

Une liste d’aliments interdits doit être respectée: celle-ci est souvent spécifique au médecin réalisant l’opération. Néanmoins, voici une liste générale afin de connaître les aliments compatibles ou non avec l’examen :

  • les aliments comportant des a-galactosides indigestibles contenus notamment dans certains légumes secs;
  • les aliments contenants des fructanes non absorbés (topinambour, racine de chicoré, bardane);
  • les aliments contenant des glucides complexes (polysaccharides) comprenant la cellulose et l’hémicellulose: fruits, légumes, féculents, céréales…;
  • les aliments contenant des gommes (dragées, sirop d’orgeat, pastis, loukoums…);
  • les aliments contenant des mucilages (graine de psyllium et ispaghule);
  • les algues (carraghénane, agar, alginate);
  • l’amidon peut dans certaines conditions échapper à la digestion soit du fait de son encapsulation soit quand l’amidon est cru.

 

En clair, voici un tableau qui résume bien les aliments autorisés et ceux interdits.

Aliments autorisés

Aliments interdits ou à réduire

  • Les fromages à pâte cuite: gruyère, cantal, édam, mimolette…
  • Le beurre cru: en petite quantité
  • Les viandes maigres: viandes grillées ou rôties, le jambon blanc maigre, le blanc de volaille
  • Les poissons maigres: poissons cuits au four ou au court-bouillon
  • Les œufs: à la coque, durs, mollets
  • Les biscottes ordinaires, le pain blanc grillé
  • Les pâtes, riz blanc, semoule
  • Les pommes de terre: cuites à l’eau
  • Les produits sucrés: la gelée de fruits, le miel, le sucre, les pâtes de fruits, les biscuits de Savoie,génoise, boudoirs, meringues, chocolat à croquer.
  • L’eau non gazeuse, les tisanes, cafés ou thés légers.
  • En assaisonnement: jus de citron filtré et huile de table.
  • Les laitages: lait, yaourts, fromages blancs, fromages à pâte molle (camembert…) et toute préparation contenant du lait (béchamel, crèmes…)
    Viandes et poissons gras: viandes ou poissons en sauce, la charcuterie.
  • Les œufs: au plat et omelettes.
  • Les céréales complètes, pains, les légumes secs (lentilles, haricots blancs)
  • Tous les légumes verts :crus ou cuits et les pommes de terre (sautées ou frites)
  • Tous les fruits: cuits ou crus, les confitures (sauf gelées), les noix, noisettes…
  • Les pâtisseries grasses, à la crème, les glaces et sorbets.
  • Les boissons gazeuses ou alcoolisées.
  • Les assaisonnements: épices, fines herbes, ail, oignons, vinaigre, moutarde,cornichons, olives.

Les différentes préparations coliques

Trois grands types de produits sont utilisés pour la préparation colique :

  1. les solutions à base de polyéthylène glycol (PEG) ;
  2. les produits à base de Phosphate de Sodium (NaP) ;
  3. les préparations à base de magnésium.

Les solutions à base de PEG

La préparation la plus classique se fait par voie orale au moyen d’une solution de type PEG. La personne doit boire 250 ml de cette préparation toutes les dix minutes pour un total de 4 litres avec une pause d’une heure entre les deux premiers et les deux derniers litres.

Une étude a montré qu’environ 29 % des patients sont incapables de prendre totalement leur préparation en raison du goût et de la quantité considérable des produits.

Les effets secondaires les plus habituels, en dehors de la diarrhée qui est l’effet recherché, sont les nausées, les vomissements, les douleurs abdominales et les ballonnements.

La moitié de la dose prise la veille et la seconde moitié prise le matin de l’examen permettraient d’obtenir une meilleure préparation que la prise totale du produit la, cela oblige la personne à se lever au milieu de la nuit car le délai minimal pour l’ingestion de liquides clairs avant réalisation d’une anesthésie est d’environ 3 heures. Une étude a montré que 85% des patients déclaraient qu’elles seraient prêtes à se lever pour prendre la deuxième dose.

Quelques trucs et astuces devant ce type de préparation

  • boire la préparation avec deux pailles de gros calibre;
  • se boucher le nez lors de la prise;
  • se brosser les dents après chaque verre;
  • boire le produit frais;
  • lui adjoindre différents jus de fruits;
  • le faire précéder d’une prise d’huile d’olive (60 ml).

Il faut noter que les médecins prescrivent parfois le MOVIPREP, une solution de PEG à laquelle on ajoute de l’acide ascorbique. Cela permet de diminuer légèrement la quantité de liquides à boire (2 litres de solution + 1 litre de liquide clair) et l’efficacité est identique à la solution classique. Néanmoins, le médicament n’est pas entièrement remboursé.

Les produits à base de phosphates de sodium (NaP)

Les solutions à base de phosphates de sodium nécessitent également l’absorption de grandes quantités de liquides (environ 2 litres), mais sont beaucoup mieux Cela est dû au fait que la substance active réside dans un comprimé à avaler: le goût n’est donc plus un obstacle. Cette préparation est toute aussi efficace que la précédente mais pose de graves problèmes de tolérance en particulier pour les personnes suivantes:

  • chez les enfants de moins de 18 ans.
  • chez les patients âgés de plus de 75 ans.
  • chez les personnes souffrant:

– d’une insuffisance rénale cliniquement significative,
– d’une hyperparathyroïdie primitive associée à une hypercalcémie,
– d’une insuffisance cardiaque congestive,
– d’une maladie inflammatoire évolutive de l’intestin.

L’un des médicaments prescrits est le COLOKIT, dont la dose usuelle est de 32 comprimés. Ces derniers doivent être pris 4 par 4, avec 250 ml d’eau (ou un autre liquide clair) en espaçant les prises de 15 minutes. Une pause d’au moins 4 heures doit être effectuée après les 20 premiers comprimés, celle-ci étant à modérer en fonction de l’heure de l’examen.

Les préparations à base de magnésium

Ces préparations, aussi efficaces que les précédentes, reposent sur la dilution de 2 sachets dans un verre d’eau à 12 heures d’intervalles. Les deux prises doivent être associées à une l’ingestion d’environ 3 litres de liquide au choix. En général, le traitement est bien toléré, notamment parce qu’il n’a pas mauvais goût. Il ne faut néanmoins pas oublier de boire beaucoup d’eau en parallèle, au risque de voir apparaître de graves effets secondaires.

Optimiser la préparation

Il est important que la personne subissant une coloscopie se voie remettre un livret illustrant les problèmes de la préparation. Une étude a montré qu’après lecture d’un tel document, la chance d’obtenir une bonne préparation est multipliée par 1,9.

Le déroulement d’une coloscopie

La coloscopie est un examen qui peut déboucher sur des complications graves, même si elles sont rares. Pour cette raison, le consentement éclairé de la personne doit être obtenue par le médecin sur présentation du rapport entre les risques et les bénéfices encourus. Quelques jours avant, un bilan sanguin est souvent à effectuer dans un laboratoire d’analyses médicales pour vérifier les facteurs de coagulation. S’ils sont trop justes, la coloscopie peut être reportée en raison d’un risque de saignement lors de l’examen.

Généralement, la coloscopie est réalisée sous anesthésie générale même si environ 5% des personnes choisissent une sédation légère. Cela est possible mais le patient doit être bien informé des douleurs et désagréments possibles lors de l’opération. En cas d’anesthésie, il sera nécessaire d’être à jeun le jour même de l’examen, c’est à dire qu’il ne faudra ni boire, ni manger, ni fumer.

Sur la table d’opération

Une fois sur la table d’opération, une ligne intraveineuse est mise en place dans le bras du patient afin que des médicaments, dont un sédatif, un antidouleur et un antibiotique, puissent être administrés lors de l’intervention. Le coloscope est ensuite inséré dans l’anus puis glissé doucement jusqu’au début du côlon, en insufflant de l’air pour décoller les parois. Puis, on observe ces parois du côlon lors du retrait de l’appareil grâce à une source lumineuse et une caméra intégrées. Le but est de rechercher des différences de coloration ou des anomalies de relief. En cas de doute, il est possible de prélever de petits morceaux de muqueuse (biopsie) ou d’utiliser des instruments pour enlever des excroissances que l’on croit néfastes. Contrairement à une idée reçue, les cancers superficiels du côlon ne sont pas issus uniquement des polypes: 37% proviennent de forme plane ou «déprimée».

Après l’examen

La personne doit être surveillée pendant une à deux heures après l’examen. Elle n’est pas en mesure de conduire au cours des 12 heures qui suivent et doit demander au médecin quand elle peut reprendre une alimentation et des activités habituelles.

Effets secondaires courants

  • petite quantité de sang dans les selles pendant 1 à 2 jours;
  • nausées, vomissements, ballonnements ou irritation du rectum causés par les substances utilisées pour nettoyer le côlon ou l’air utilisé pour décoller les parois.

Effets secondaires rares

  • perforation de l’intestin;
  • saignement important nécessitant une transfusion, une autre coloscopie ou une chirurgie;
  • réactions allergiques au sédatif;
  • endocardite (inflammation du revêtement interne du cœur).

Références

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